Visite

Sixtine regarda l’elfe, Rivendell de son prénom, avec une étrange impression. L’impression qu’elle n’était pas à sa place, qu’elle n’aurait pas dû être ici.

« Comme vous avez pu le constater, je m’appelle Sixtine, Contesse Sixtine Aliénor de Wessam en vérité mais Sixtine est plus que suffisant…si vous voulez allez aux cuisines, je ne pense pas qu’il serait très indiqué de monter ces marches, là-haut on trouve principalement les appartements royaux et les chambres des invités. Les cuisines sont au rez-de-chaussée. »

Elle lui indiqua un chemin qui menait directement dans un couloir très large aux murs de pierres brutes, comme la majorité des pièces du château. Tout ici semblait respirer la puissance, la force bestiale et bien entendu le Mal. Sixtine avait presque fini par s’y habituer.

« Vous allez mieux ? Je veux dire, vous aviez mal à la tête…est-ce que cela vous est passé ? Je peux vous faire venir quelques médecines si vous voulez…par là ! »

Elle avait fini sa phrase en tournant brusquement à gauche à un croisement. Cet endroit était un véritable labyrinthe pour ceux qui ne s’y connaissait pas et bien entendu il n’y avait pas de plan accroché sur les murs qui indiquait les issues de secours !
Sixtine avait beau cherché le chemin le plus court possible, elle ne pouvait s’empêcher de faire un grand détour pour être certaine de ne pas croiser Makkura, l’horrible bête assoiffée de sang de Shinta qui la terrorisait plus que n’importe quoi d’autre sans qu’elle puisse se l’expliquer.

A mesure qu’elles approchaient des cuisines, une bonne odeur de viande et de légumes cuits se fit sentir depuis le couloir et lorsqu’elles entrèrent finalement dans la pièce, elles virent quelques démons à l’œuvre courir partout. Celui qui semblait être le chef leva brusquement la tête dans leur direction en montrant des dents pointues mais se radoucit devant Sixtine.

Sa présence finissait par ne plus passer inaperçue et le dit démon avait l’habitude de la voir rôder en cuisine puisque Shinta l’avait charger d’apporter chaque jour la nourriture de Makkura. De plus, elle était passé quelques jours plus tôt en compagnie du Roi Alkhmar en personne et elle aurait presque tué un garçon s’il n’était pas intervenu. Sixtine songea que son don pouvait parfois être ne véritable malédiction.

« Bonjour Mazystid, je suis désolée de vous déranger à cette heure mais cette jeune femme a fait un long voyage et aurait sûrement besoin d’un peu de repos…elle est sous la protection de Keyri, je pense…je pense que vous la verrez souvent par ici ces temps prochains. »

L’air menaçant du démon avait aussitôt disparu alors que Sixtine s’efforçait de répandre une vague de Bien dans toute la pièce.

« Bonjour Mademoiselle Sixtine, le Roi n’est pas avec vous ? Il faudrait penser à lui dire que les cuisines ne se remplissent pas toutes seules et que s’ils donne comme ça toutes nos provisions aux démons de bas niveaux alors il ne lui restera plus rien ! »

Tout avait été dit de manière très polie, sans aucune pointe d’agressivité dans la voix, Sixtine sourit alors qu’il lui tendait une grenade, son fruit préféré. Elle s’en saisit avec un petit air rêveur. Ce fruit ne pouvait que lui faire penser Alkhmar, à ce drôle de sentiment qu’elle éprouvait et qu’elle ne comprenait pas et surtout à sa gentillesse.
Sortant de ses pensée elle fixa Rivendell :

« Le Roi est quelqu’un de Bon…Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? »

Sixtine avait beaucoup de question à poser à l'elfe mais ce n'était pas encore le moment et elle était patiente, elle attendrait que Rivendell se soit reposée.

Sixtine ne pouvait que voir l’expression de dégoût de l’elfe face au démon et la comprenait parfaitement, elle avait eu la même réaction la première fois seulement elle avait finit par s’y habituer. C’était là la nature humaine que de finir par s’habituer à tout.
Depuis combien de temps était-elle là ? C’était là une bonne question. Sixtine tenait un journal dans lequel elle écrivait toutes les dates aussi pouvait-elle répondre avec une quasi exactitude.

« Je suis ici depuis le 3 Avril de cette année, soit depuis quelques semaines…mais je dois venir ici tous les jours pour nourrir Makkura, c’est l’animal de Shinta…la pire créature que j’ai jamais vu. Quant au Roi…je l’ai rencontré par hasard, il peut paraître très mauvais mais je sais qu’il vaut bien plus qu’il ne le prétend. »

Ce disant, elle lui avait résolument passé une corbeille de fruit et avait ouvert la grenade en contemplant les graines rouges qui scintillaient comme des rubis entre ses doigts. Elle avait toujours adoré les grenades, elle en avait parfois des envies aussi pressantes que celles que pouvaient éprouver les femmes enceintes pour des fraises.
Sixtine n’avait pas entendu le murmure prononcé par Rivendell dans le couloir, elle marchait alors beaucoup trop vite, craignant de se faire surprendre par Makkura.

Elle regarda l’elfe manger sans toucher à sa grenade ouverte, la scrutant de ses grands yeux violets d’un œil perplexe. Qui était-elle ? Qui était-elle vraiment ? C’était étrange la façon dont elle s’était permise de répliquer aux Prince, cette insolence et cette force de caractère indomptable.
Si elle avait lu Autant en emporte le Vent, Sixtine aurait dit qu’elle voyait en Rivendell une Scarlett O’Hara tumultueuse et en elle-même la gentille Mélanie mais elle ne connaissait pas ce bouquin puisqu’il était tiré d’une autre époque.

« Comment vous êtes-vous retrouvé ici ? Keyri…on raconte qu’il est le Prince en exil, qu’il avait quitté les Enfers et le voilà de retour avec vous…il a l’air de bien vous aimé, il s’occupe bien de vous même s’il n’a pas pensé à soigner votre blessure…les garçons sont tous les mêmes ! »

Elle sourit avec un certain amusement. Sixtine éprouvait beaucoup de plaisir à pouvoir avoir une discussion avec un jeune fille non démoniaque même si elle ne pouvait que plaindre la jeune femme de se retrouver dans un lieu pareil.

[quand je disais aux pieds d'Alhezar, j'ai zappé la moitier de la phrase, mais je me souviens plus de la phrase en question XDD ]

Sixtine lui demanda comment elle était arrivée ici... De le nuit où elle l'eu sauvé, à aujourd'hui... Le souvenir du katana, du déchirement de la peau, l'odeur du sang... Sa dague se plantant dans son cou... Rivendell frissona. Elle lâchat ces mots tout bas.



Elle était pas vraiment sur, puis elle regarda dans les yeux de Sixtine et lui dit franchement.


Les derniers mots, en y repenssant, Rivendell eut un petit rire. Elle sourria à Sixtine. Elle detourna le regard et attrapa une autre grenade, un moment d'hésitation. Il ne fallais pas trop manger, Keyri voulais qu'ils dînent ensemble une dernière ne ferais pas de mal, et elle la porta a sa bouche. Puis se souvenant des paroles de la jeune femme, elle lui demanda.

Sixtine était enchantée de voir l’elfe accepter sa présence et lui parler. Certains disaient que les elfes étaient orgueilleux de leur sang et qu’ils ne se mêlaient que peu aux humains qu’ils avaient tendance à mépriser. Aussi était-elle relativement heureuse de voir qu’il n’en était rien. Son Père devait s’être trompé lorsqu’il lui avait raconté toutes ces choses.

Ainsi, Rivendell avait sauvé la vie du Prince cadet des démons ? Le visage de Sixtine reflétait toute l’admiration qu’elle éprouvait pour la jeune elfe. Elle-même, elle en aurait été incapable, elle avait peut-être sauvé des pauvres de la dureté de l’hiver ou de la fin mais en fin de compte ce n’était pas aussi phénoménale à ses yeux que de sauver ainsi un démon héritier.

Puis son visage se glaça au nom de Makkura. D’un air inquiet, elle se tourna imperceptiblement vers la porte comme pour vérifier que l’animal ne se trouvait pas dans les parages et serra contre sa main le collier de Shinta comme si c’était une amulette contre le Mal.

« Comme je vous l’ai dit, Makkura est la pire chose que j’ai actuellement vu ici, c’est l’animal de compagnie de Shinta, une sorte de loup mêlé de chien mais d’une taille impressionnante aux poils noirs, hirsutes et si vous aviez vu son regard : Ses yeux brillent d’un sadisme moqueur et d’une intelligence malicieuse. Il n’obéit qu’à Shinta, il tuerait n’importe qui pour elle et je suis sûre que si elle le lui ordonnait, il se tuerait de lui-même ! Je vous supplie de prendre garde quand vous êtes en sa présence…J’ai vu…des choses horribles dans ces Enfers ! J’ai vu Shinta tuer des Démons juste parce qu’elle avait le désir de le faire, je l’ai vu dévorer un cœur à peine sortit de la poitrine de ses gardes, j’en ressent encore la Douleur, l’horrible sensation de ses dents sur ma peau…tenez-vous loin d’elle et faites en sorte que Keyri s’en tienne loin également, il m’a l’air d’être quelqu’un de Bien. »

Il ne fallait pas y penser. Sixtine avait dans la tête tout ce que Shinta lui avait conté sur sa famille, tous ses projets de meurtre qu’elle avait à l’égard de sa famille. Shinta lui avait dit qu’elle pouvait bien en parler à qui veut, que de toute façon personne ne la croirait mais elle avait le pressentiment que Rivendell, elle, l’écouterait si elle en parlait et Sixtine malgré tout ce qu’elle pouvait bien dire sur Shinta, éprouvait une très grande tendresse envers la Princesse des Démons et si quelqu’un apprenait ce qu’elle complotait, elle risquait de gros ennuis. Sixtine ne voulait pas qu’il lui arrive du mal par sa faute, elle ne pourrait se le pardonner.
Oui, il fallait que Rivendell tienne Keyri éloigné d’Elle, le plus possible du moins, ça lui éviterait d’être la cible de la Démone. Alhezar aussi devait être écarté mais elle ne savait pas encore comment s’y prendre.

Inconsciemment, Sixtine avait commencé à élaborer son plan pour éviter à Shinta de gros ennuis mais également la perte des autres membres de la famille. Il fallait faire resurgir le Bon côté de la démone ! Elle devait forcément en avoir un !

Elle releva la tête vers la jeune femme avant d’esquisser un maigre sourire et de continuer sur une autre question. Car en réalité, l’histoire de Rivendell concernant la sauvegarde d’un Prince ne pouvait que lui faire se poser d’autres questions. Des questions qui lui faisaient légèrement froncer les sourcils en signe d’incompréhension et de perplexitude (non non ce mot n’existe pas mais je le dit quand même ^^).

« Si vous avez sauvé Keyri de la mort…pourquoi…pourquoi semble-t-il vous considérer comme son…esclave ? possession ? Je veux dire, je ne pense pas que ce soit là le sort qu’on réserverait à quelqu’un à qui l’on doit la vie…si ? Même les démons éprouvent de l’estime et ont des valeurs, tout ça me semble tellement étrange ! »

Keyri était assez grand pour s’occuper de lui-même. Sixtine s’en doutait bien, seulement toutes les valeurs auxquelles elle avait cru s’était évanouies devant la Grandeur et la Puissance de Shinta. De toute façon, ils étaient frères et sœurs et se croiseraient donc forcément cependant…quoi ? … elle ne savait pas exactement comment décrire ce mauvais pressentiment qui la tiraillait. Eh puis, même si lui et Alhezar étaient suffisamment puissants pour se battre contre Elle, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter, c’était dans sa nature. Et à vrai dire, pour qui s’inquiétait-elle vraiment ? Pour Keyri et Alhezar qui n’étaient pas, à ses yeux, aussi mauvais qu’on le disait ou bien pour Shinta elle-même qu’elle aimait tout de même avec une tendresse presque enfantine ? C’était peu être un mélange de tout ça.

Cependant, l’elfe avait parlé de meurtre familiaux et Sixtine blanchit. Elle n’avait pas parlé de meurtre alors comment Rivendell pouvait-elle se douter du conflit qui était en jeu ? Avait-elle trop parler ? Sixtine la regarda avec un certain malaise sans pouvoir se l’expliquer. Mieux valait-il ne pas continuer sur ce sujet aussi Sixtine enchaîna-t-elle :

« Venez je vais vous montrer les balcons, c’est un endroit très agréable, là où j’aime passer le plus clair de mon temps, si vous me cherchez un jour, commencez donc par là vous aurez plus de chance de m’y trouver que partout ailleurs… Au revoir Mazystid, je repasserais tout à l’heure pour le repas de Makkura. »

Elle avait bien entendu adressé cette dernière réplique au chef cuisinier qui leva à peine la tête de la viande sanguinolente qu’il était en train de couper pour le repas du soir.
Sixtine entraina Rivendell par un nouveau couloir tout aussi sombre que le précédent mais qui était tout de même éclairé par quelques bougies accrochées au mur.

« En ce qui concerne le repas de ce soir et les bains, je crains de ne pas pouvoir vous être d’une grande aide. Ici, je dois me laver dans la salle de bains de Shinta et elle me choisit elle-même tous les matins une robe aussi je ne suis pas sûre que vous pourriez vous doucher ailleurs que dans les appartements de votre...du Prince Keyri. »

Elle avait faillit dire Maître mais elle avait bien vu que cette appellation ne convenait pas à l’elfe aussi s’était-elle reprise au dernier moment. L’expression de son visage et la tristesse qui s’était abattue sur elle ne lui avaient pas échapper mais elle n’insista pas. Elle comprenait la douleur des gens mais également le fait qu’ils ne veuillent pas en reparler.
Il y avait des choses que seul le temps parvenait encore à effacer bien que ce ne soit pas toujours le cas.

Outre cette tristesse sordide, Sixtine s’était sentie inondée d’un étrange sentiment d’allégresse en l’entendant rire. C’était tellement agréable, comme lorsqu’un rayon de soleil venait faire fondre les dernières neiges de l’hiver, quelque chose qui embaumait le cœur. Combien de personne avaient jamais rit dans cet endroit ? d’habitude, on entendait surtout les cris et les hurlements des prisonniers torturés.

Il y avait eu un moment de silence. Cela ne déplaisait pas à Sixtine. Le silence pouvait être vraiment agréable lorsqu’il n’était pas terrifiant. Puis finalement, elle indiqua à Rivendell une porte sur sa droite. Une porte en bois très noir qui menait sur les balcons.
Un souffle d’air frais chatouilla le visage de la jeune fille qui s’émerveilla de cette douce sensation qui fit voleter ses cheveux vers l’arrière. Elle avança jusqu’au bout de la balustrade avec un grand sourire aux lèvre avant d’observer la plaine dévaster et la terre rouge complètement stérile.

« Vous savez Rivendell, je crois que vous avez tort. Vous avez dit que vous pensiez retourner en Enfer après votre mort mais je ne le pense pas. J’ignore tout de votre vie et il va sûrement vous paraître très impolie de ma part de vous le dire mais je suis certaine que vous trouverez votre place là-haut. Même si vous avez fait quelque chose de terrible dans votre vie, la Rédemption existe pour tous et si vous persistez dans la volonté de rester quelqu’un de Bien alors il n’y a aucune raison pour que vous restiez ici. »

Elle fit une pause en observant la vaste étendue devant ses yeux, admirant les grandes montagnes noires et les cendres qui semblaient s’en dégager avant de reprendre.

« Alkhmar m’a dit que même si je mourrais ici, mon âme trouverait un moyen de rejoindre le Paradis, qu’aucun lieu au monde ne peux retenir l’âme d’une personne, aussi quoiqu’il arrive, je suis certaine que vous trouverez votre place dans le ciel, soyez-en convaincue. »

Elle tourna ses yeux violets vers elle et lui adressa un sourire très simple emplie de toute la tendresse et toute l’amitié dont elle pouvait faire preuve. Tout le monde méritait le Paradis, même Shinta, même Alkhmar, malgré toute la méchanceté qu’ils dégageaient, malgré tous les crimes qu’ils avaient commit, Sixtine voulait en rester persuadée.

« J’aime contempler les landes désertiques mais ça n’est peut-être pas votre cas, peut-être souhaiteriez-vous que je vous fasse visiter un endroit en particulier ? ou peut-être préférez-vous retrouver Keyri, je crois qu’il doit connaître mieux les lieux que moi et il pourra plus facilement vous indiquer où vous laver…? »

Il semblait que Rivendell n’ait pas prêté attention à ce qu’avait dit Sixtine. Elle s’appuyait sur la rambarde et ne semblait pas voir la beauté que lui inspirait cet endroit désertique. Lorsqu’elle commença à grimper le long de la balustrade, Sixtine la regarda faire avec une certaine inquiétude.
Oui, il devait y avoir une sacrée hauteur depuis ici et si l’elfe tombait elle mourrait sûrement avant même d’avoir touché le sol.
Elle aurait voulu lui demander de descendre mais elle ressentait la joie qui animait la jeune femme lorsqu’elle dansait au-dessus du vide comme sur un fil. Elle faisait ça si bien !

Sixtine fut émerveillée par l’aisance avec laquelle la jeune femme défiait les lois de la gravité et le son de sa voix, sans l’hypnotiser lui apportait cependant une grande sensation de bien-être. Elle voyait la barrière vaciller et gardait un œil vigilant sur l’elfe qu’elle n’avait aucune intention de voir tomber. En plus, on lui avait demandé de prendre soin de la jeune femme et elle ne manquerait pas à ce devoir.

En voyant l’oiseau de lumière créé par Rivendell, Sixtine en fut complètement éblouie. Elle avait les yeux qui pétillaient de plaisir tout en songeant que les enfants du village de Silvermarth auraient adoré partager ce moment avec elle.
Elle le regarda voleter dans les airs avec un sourire bienfaisant. Elle se sentait tellement bien, tellement calme et apaisé, son don qui communiquait à Rivendell ses impressions pouvait être tellement merveilleux quand il n’agissait pas pour lui faire part des douleurs d’autrui !
Voir cet oiseau faire miroiter ses ailes au soleil était un vrai délice ! Elle avait l’impression de voir s’envoler une âme et elle ne se rappelait pas avoir connu un si grand plaisir depuis qu’elle avait rendu visite à sa cousine Iris !

Sixtine sourit en voyant se poser sur elle cet oiseau de lumière. C’était magnifique et elle applaudit à pleine mains en voyant Rivendell s’arrêter.

« C’est magnifique ! vous avez un talent merveilleux ! Je donnerais presque tout ce que j’ai pour pouvoir faire ce que vous venez de faire mais par la Déesse je vous en prie descendez donc de là, vous risquez de vous rompre le cou, je ne suis pas certaine que ce soit très solide ! »

La tutoyer ? Comme cela paraissait étrange à Sixtine, elle qui n’avait jamais eu à tutoyer personne. Même à Silvermarth lorsqu’elle était dans le château, elle ne tutoyait jamais personne, qui aurait-elle pu tutoyer d’ailleurs ? Elle était une comtesse, les comtesses ne tutoyaient pas cela aurait paru déplacé, malpoli que de tutoyer quelqu’un. Comtesse comparé à Marquise ou Duchesse, ce n’était rien du tout ! Ce titre surpassait à peine celui de Baronne alors comment aurait-elle pu se permettre une telle familiarité ?

Sixtine écarquilla un instant les yeux. Alkhmar, Shinta et même Alhezar et Keyri l’avaient tutoyé mais pour eux, maîtres des Enfers, cela paraissait normal puisqu’elle était leur chose, leur possession. En revanche, vis à vis de Rivendell elle aurait eu du mal à se le permettre, non elle ne le pouvait pas. Ses racines, son éducation, étaient bien trop profondément ancrées en elle pour qu’elle puisse les laisser s’échapper. Le vouvoiement c’était sa marque de fabrique en quelque sorte, elle n’aurait pas été exactement elle-même si elle n’avait pas prononcé ce Vous.
Elle secoua la tête tristement avant de répondre avec une certaine lenteur comme si elle pesait ses mots :

« Je suis désolée mais…je ne crois pas pouvoir vous tutoyez. Je suis née comme ça, c’est une éducation que l’on m’a donné. Pour moi, Vous est une forme de politesse dont je ne peux me passer. Si je vous tutoyais, j’aurais l’impression de vous manquer de respect et je…non vraiment j’aurais honte de mon attitude. Nous nous connaissons depuis moins d’une heure, je ne sais presque rien de vous et même si j’ai beaucoup d’admiration et même d’estime, je ne peux pas me résoudre à vous tutoyer…ne prenez pas ça pour vous, j’agis comme ça pour tout le monde. Ce Vous c’est la dernière chose qu’il me reste vous comprenez ? »

Oui, c’était exactement ça. Ici elle n’était plus rien, elle n’était plus noble, elle n’avait plus de droits ni de privilèges. Certes Shinta continuait à l’habiller de blanc comme avant mais ce Vous, c’était toute la volonté de Sixtine a être elle-même. C’était son dernière lien avec Silvermarth, avec ses parents, sa cousine, ses amis et ceux qu’elle aidait.

Elle eut finalement un faible sourire, plus destiné à satisfaire Rivendell que pour autre chose avant de continuer.

« Cet oiseau que vous venez de faire apparaître était magnifique. J’aimerais beaucoup avoir l’occasion de vous revoir plus tard si vous avez l’intention de refaire un si beau spectacle. Je vois que vous êtes fatiguée, je ne sais exactement où se trouvent les appartements de Keyri mais je me doute qu’ils ne doivent pas se trouver très loin de ceux des autres membres de la famille royale, je vais vous y conduire et vous pourrez sûrement vous y reposer. »

Elle lâcha la balustrade à regret, jetant un dernier regard à cette vue désolée avant de repartir vers l’intérieur à l’atmosphère nettement plus étouffante.
Sixtine se renseigna auprès du premier démon qui passa dans le couloir devant elle et celui-ci lui répondit avec la plus grande amabilité qu’il put en lui indiquant la direction.
Sixtine le remercia et entraîna avec elle Rivendell.
A peine Sixtine avait-elle disparu du champs de vision du dit démon que celui-ci tomba sur un garde et lui arracha le foie pour en dévorer une bonne partie. Son don avait vraiment du bon parfois seulement les deux femmes étaient déjà parties aussi ne virent-elles pas cette dernière scène.

Elles arrivèrent devant une nouvelle porte et Sixtine s’arrêta, regardant l’elfe.

« Voilà, normalement ce devrait être là. Je vais vous laisser ici, je ne crois pas que ce serait de bon ton que je vous accompagne. J’espère que tout ce passera bien pour vous ici et que nous nous reverrons…vous savez où me trouvez si besoin s’en faisait sentir maintenant. »

Elle hésita un quart de seconde devant la porte puis finalement dit un au revoir avant de laisser la jeune femme en face des appartements de Keyri après lui avoir adressé un sourire chaleureux.